Histoire de la phonomimie

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La « Boîte à lettres » utilise chaque jour sa phonomimie, faisons un peu d’histoire pour mieux la connaitre, et connaitre son génial concepteur.

Augustin Grosselin est né le 14 mai 1800 à Sedan. Il fait des études d’avocat, mais ce n’est pas le domaine de la justice qui le rendra célèbre.

Il se marie en 1825 et aura 4 enfants. Les lois de Jules Ferry sur l’école ne seront votées qu’en 1880, et donc à l’époque de Grosselin, la scolarité « obligatoire » n’existe pas. Ses enfants seront donc instruits en famille. C’est Madame Grosselin qui apprendra à lire à ses enfants. Le fils ainé d’Augustin Grosselin n’eut jamais d’autre professeur que son père, à 16 ans, il est bachelier et sténographe.

Augustin Grosselin est passionné par l’éducation : c’est lui qui invente la sténographie, et moins connues, ses inventions de « langue universelle », ses leçons d’histoire mnémo-techniques, ses planisphères, ses cubes alphabets et autres boîtes typographiques, etc.

Grosselin voyelles

Augustin Grosselin inventa la phonomimie pour ses enfants, parce qu’il trouvait qu’il fallait rendre l’apprentissage de la lecture plus facile, aussi bien pour celui qui enseigne que pour celui qui est enseigné. C’est dans sa famille, avec ses petits enfants, que Monsieur Grosselin fit l’essai de sa nouvelle méthode à laquelle il donna le nom de ‘phonomimie’, qui peut se traduire par ‘la mimique du son’ (expression de son biographe).

marie pape-carpentier

Très humaniste et sensible à la misère de son époque, il fonde une Société d’assistance et participe à la création des Salles d’asile, ancêtres de nos jardins d’enfants, avec Madame Pape-Carpentier, qui sera un véritable levier pour le lancement de la méthode phonomimique. C’est en effet dans les salles d’asile qu’elle sera testée puis généralisée.

Il faut se rappeler la misère de ces salles d’asile, qui, à l’origine, servaient à garder les enfants dans une salle au lieu de les laisser seuls dans la rue!

« Pour quiconque a suivi, dans une classe, les exercices phonomimiques, la solution est toute naturelle:

l’oreille, l’œil et la main des élèves agissent simultanément, il n’y a pas de cause de distraction pour eux, leur attention est tout entière occupée. Et la maitresse, interrogeant toutes ces mains qui parlent, s’assure d’un coup d’œil que tous suivent la leçon avec fruit, et on peut le dire, avec joie »

 C’est dans une de ces salles d’asile, à Givet, qu’un jour la jeune Juliette Fraison, sourde et muette, se mit à communiquer avec les entendants au moyen de la phonomimie, ce qui lança notre Augustin Grosselin dans un autre projet: la création d’écoles où sourds et entendants pourraient être enseignés ensemble! C’est ainsi que de nos jours encore, certains pensent que la phonomimie a été créée pour les enfants sourds. Cette idée fausse est très tenace. Son biographe nous prouve le contraire, quand il écrit en 1870: « une chose assez étrange, mais qui m’a été plusieurs fois attestée par lui-même, c’est qu’en composant son alphabet gesticulé, Monsieur Grosselin n’avait en vue que les enfants entendants »

Madame Pape-Carpentier édita le premier livre de lecture utilisant la phonomimie, la méthode fut même présentée à l’exposition universelle de 1867, ou M. Grosselin avait fait aménager une salle de classe avec élèves pour présenter de manière vivante sa méthode! La phonomimie sera même récompensée de la Médaille d’Or aux expositions universelles de 1889 et 1900. Récompenses que Grosselin ne verra pas, étant décédé le 5 janvier 1870 à Paris.

couverture récits Melle Gandon

Il faut aussi nommer Mademoiselle Gaudon, directrice de la Salle d’Asile de la rue Bertholet à Paris, lieu où la méthode reçut sa première application, et qui écrivit le premier recueil des petites histoires illustrant les phonèmes.On peut raisonnablement penser que sans l’aide de ces femmes que furent Marie Pape-Carpentier et Mademoiselle Gaudon, la phonomimie ne serait pas devenue la méthode d’enseignement de la lecture de toutes les écoles de Paris en 1900. On peut regretter cette période où tous les enfants apprenaient à lire avec la phonomimie!

Je termine en citant Augustin Grosselin:

« L’idéal pour une méthode d’enseignement pour le premier âge de la vie, c’est d’y faire concourir l’OUIE, la VUE et le TOUCHER, c’est à dire les trois sens qui sont les principaux instruments de l’intelligence et de la mémoire, et qui n’agissent que dans la plénitude de leur puissance que quand ils interviennent simultanément. »

Nous avons choisi d’utiliser cette phonomimie. D’autres méthodes s’en sont inspiré pour inventer une autre gestuelle (Borel-Maisonny) ou d’autres histoires (les Alphas), sans jamais l’égaler.

Bibliographie:

Augustin Grosselin, notice biographique, de Louis-Auguste Bourgain, ed 1870, rééditée par Hachette

Marie Pape-Carpentier, par Colette Cosnier, ed l’Harmattan 1993

Récits enfantins, par Mademoiselle Gaudon

Enseignement de la lecture à l’aide du procédé phonomimique de Mr Grosselin, par Marie Pape-Carpentier, 1893

Archives des Ardennes et de Paris, pour les actes de naissance et décès

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Une salle d’asile

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