Si la Méthode Ward a été largement enseignée dans les années 60, il devient quasiment impossible de rencontrer quelqu’un qui la pratique, en tout cas en France. Il me reste quelques souvenirs d’enfance, pour avoir appris mes premiers rudiments musicaux avec Ward à l’école communale, mais ils seraient un peu insuffisants ! Je vais plutôt essayer de présenter un résumé des grands principes de cette méthode qui a inspiré notre façon d’aborder le chant, et d’en tirer quelques exercices pouvant être utilisés lors de la leçon de chant, de lecture ou d’écriture.
Je laisse donc volontairement de côté des aspects trop longs à expliquer ou dont l’utilité ne me parait pas primordiale, comme le nom des notes sur les doigts, ou les diagrammes chiffrés. Ceux ou celles qui veulent en savoir davantage pourront toujours tenter de se procurer un livre (un peu ancien !) de la méthode. (1)
Notions de base :
Que l’apprentissage de la musique soit un plaisir ! Inclure la formation musicale dès les premiers apprentissages est source d’ouverture vers le beau, canalise l’énergie de tous les enfants et aide grandement ceux dont l’intelligence est plutôt auditive.
Prévoir une quinzaine de minutes tous les jours : un enseignant, parent ou éducateur peut très bien inclure dans sa leçon de lecture un temps d’apprentissage Ward, ou le prévoir à un moment séparé, mais ces deux enseignements se complètent parfaitement. Un instrument de musique est nécessaire pour donner le ton juste. Un simple métalophone ou un mélodica peut faire l’affaire, si on n’a pas à sa disposition un piano ou une grande harpe!
L’enfant utilise son corps pour découvrir les notions musicales : rythme, hauteur, mouvement, ton, justesse… Ce que Madame Ward nous dit ainsi : » les principes et la pratique de la pédagogie moderne doivent s’appliquer à l’ enseignement de la musique(2). » Nous retrouvons là de nombreux points communs avec « le Bon Départ »: certains exercices se font assis, d’autres debout, main droite, main gauche, les deux mains ensemble.
Madame Ward privilégie souvent le travail par petits groupes, partant du principe que ceux qui écoutent apprennent autant que ceux qui chantent.
La gamme (assis ou debout selon l’exercice) :
La gamme est gestuée, la hauteur des tons est représentée sur le corps avec la main droite : il s’agit du geste mélodique.
J’ai accueilli pendant plusieurs années mon professeur de musique à l’école primaire de cette façon : nous nous levions, et, debout dans l’allée à côté de notre pupitre d’écolier, nous devions la saluer en chantant et gestuant tous ensemble « sol – do(aigu) – sol – do(grave) sol – sol » !
phonomimie , subst. fém.Procédé pédagogique par lequel on figure les sons de la voix par des gestes. Au cours des premières années de scolarité, alors que les notions d’écriture musicale ne sont pas encore acquises, les élèves indiquent par «phonomimie» (les mains se déplaçant verticalement devant le corps), la hauteur des sons qu’ils entendent (Encyclop. mus. 1, 1950, p.17).
Exercices d’intonation (debout) :
Madame Ward désigne sous ce terme des exercices d’écoute et de chant d’intervalles. Plusieurs exercices sont possibles : l’enseignant gestue en chantant un intervalle ou une suite de notes écrits au tableau – ou non-, que les enfants reproduisent également en chantant et avec les gestes. Il s’agit d’un exercice oral.
Vocalises (debout) :
C’est là que nous trouvons nos « exercices vocaux« , sur la syllabe « nou« . On peut faire seulement deux vocalises sur deux notes, avec un intervalle d’une tierce ou d’une quinte. D’autres vocalises sont possibles, sur plusieurs notes. On peut aussi faire les vocalises en modulant l’intensité du son émis. On travaille le souffle, l’ouverture de la bouche et la respiration.
Dictées mélodiques (assis) :
Un autre exercice – plus difficile – consiste soit à chanter, soit à montrer à l’aide d’une baguette sur une portée tracée au tableau, une ou plusieurs notes. Les enfants doivent mémoriser ce qui est montré, puis le chanter en le gestuant (ce qui oblige une intériorisation de la musique), ou l’écrire sur une ardoise, ou utiliser l’équivalent du « boulier musical ». On peut aussi utiliser une ardoise magnétique sur laquelle on a tracé la portée au feutre indélébile, et avec quelques notes mobiles.



Il s’agit en effet d’apprendre à l’enfant à bien placer sa voix. Certains ne sont pas habitués à s’écouter. Il arrive que des jeunes enfants aient une voix « monotone », c’est à dire qu’ils chantent avec la voix de la parole et non la voix du chant. C’est ce que Justine Ward appelle les « moineaux », par opposition aux « rossignols », les moineaux devant d’abord ne pas chanter et écouter les autres, pour apprendre à écouter et découvrir comment placer leur voix. Ainsi tous seront « rossignols » avant la fin de l’année. Madame Ward propose un certain nombre d’exercices, qui peuvent être utilisés avec les enfants pas encore ‘rossignols’ de nos classes :
- Faire appeler par l’enfant un camarade éloigné de lui : hou-hou. Les enfants appellent généralement sur un ton élevé. Si cette intonation est obtenue, demander à l’enfant de la prolonger, puis de la répéter sur la syllabe ‘nou‘.
- Faire imiter à l’enfant le son d’une sirène. Une fois le son aigu obtenu, aider l’enfant 1° à le soutenir, 2° à le reproduire comme son musical.
- Chanter doucement, au-dessus de la tête de l’enfant, un son assez élevé, sur nou. Les yeux fermés, pour mieux se concentrer, l’enfant écoutera puis tentera de reproduire ce qu’il entend.
- Faire émettre à l’enfant un son, celui qu’il pourra produire, même s’il est très grave. A partir de ce son, tenter de faire monter la voix progressivement, en faisant simultanément un geste mélodique très large.
Rythme : geste métrique et geste mélodique (debout)
- geste métrique
Geste bien connu : marque le rythme comptines gestuées.
- geste mélodique
Geste qui donne le mouvement musical : levé-posé. On peut accentuer le geste en balançant le corps pour « sentir » le rythme.
Composition musicale(assis) :
Voilà un petit jeu de « questions-réponses » chanté, qui peut être suivi par un jeu où ce sont les enfants qui inventent le dialogue et la mélodie. On commence par les notes gestuées pour bien placer les notes.
Conclusion :
Mon propos n’était pas de vous faire un exposé complet de la Méthode Ward, mais bien de donner quelques pistes. D’autres exercices pourraient être proposés : n’hésitez pas à partager vos remarques, vos expériences ou vos idées. Puissent ces quelques indications vous donner envie de chanter avec les enfants !
(1) La Méthode Ward – 1ère année – par Justine Ward – Ed. Desclée 1962
(2) Ibid. préface.
J’ai conservé tous les journaux de France-Ward édité en 1953 et après .. Cette Méthode a produit des chorale exceptionnelle avec des enfants chantant dans leur tessiture !! Bravo à Justine Ward et à Odette Hertz de l’ IML de Paris …
J’aimeJ’aime
Merci pour ce beau partage! N’hésitez pas à nous faire parvenir tel ou tel article qui pourrait nous éclairer!
J’aimeJ’aime
Gabriel
Je l’ai enseignée pendant des années en parallèle avec d’autres méthodes, sous la conduite d’Odette Herth. Lieux d’étude Cantaous Tuzaguet avec Don Urbain Sérès de l’abbaye d’En Calcat à Lyon avec le CMS à Paris à l’IML. Odette Herth était la directrice de l’IML.J’ai toujours les livres à l’usage du professeur. Nous avons travaillé en équipe à Clermont. Je vois que la méthode n’a pas malheureusement survécu
J’aimeJ’aime
Bonjour, votre savoir faire au sujet de la méthode Ward m’intéresse. Je suis à la recherche de tout matériel qui puisse m’éclairer sur cette méthode. Accepteriez-vous que nous entrions en contact ? Je vous remercie d’avance.
Si vous êtes d’accord, je pourrais m’adresser au modérateur du site pour qu’il me transmette vos coordonnées.
J’aimeJ’aime
Bonjour , j’ai beaucoup regretté d’avoir dû passer dans mon enfance par cette » méthode Ward » . Je suis née en 52 . Ce qui m’a été le plus préjudiciable , c’est d’avoir eu à lire et noter la musique avec des chiffres : do/1,ré/2 etc… Certes , c’est pratique pour noter rapidement une mélodie qu’on entend , mais quel handicap pour tout le reste de la pratique musicale . Les chiffres des doigtés prêtent à confusion et le solfège n’a pas été appris dans son ensemble . Si on avait passé tout ce temps à l’étudier , je n’ose penser à l’utilité qu’on en aurait tirer pour pratiquer la musique . Aujourd’hui , j’ai 3 enfants musiciens dont une fille prof de formation musicale en conservatoire et cinq petits-enfants musiciens . Je suis contente pour eux . Moi-même , j’ai chanté dans des choeurs et donc , me suis attelée au solfège à une époque , mais quel regret d’avoir dû subir cette » méthode Ward » ! Le préjudice est important et irréversible car on apprend enfant certaines bases précieuses , surtout la lecture en général .Catherine .
J’aimeJ’aime
Bonjour et merci pour votre éclairage très intéressant. Je reconnais que nous n’utilisons qu’une petite partie de la Méthode Ward, et que actuellement nous élargissons aux principes de Kodaly. Notre objectif n’est pas de donner des bases de solfège aux enfants, mais de leur faire sentir la musique avec leur corps : rythme, tempo, hauteur, respiration, justesse, et en cela Ward apporte de vraies réponses.
C’est vrai que la partie numérotation des notes peut être source de confusion, c’est peut-être une des raison de son abandon en France.
C’est vrai aussi
que la 1ère » impression » est souvent celle qui reste, et je comprends vos regrets, tout en me réjouissant de découvrir une vraie famille de musiciens! Bien à vous!
Françoise Nicaise
J’aimeJ’aime
Marie-Louise : j’ai appris la méthode en 53. Je l’utilise encore pour écrire les notes. C’est très simple : à do, ré, mi, fa, sol, la, si ,do de la portée, correspondent : 12345678. Pour l’octave supérieure on ajoute un point au dessus du chiffre et pour l’octave inférieure, on ajoute un point en dessous du chiffre. Pour les # on barre le chiffre avec / et pour les bémols on barre avec une barre dans l’autre sens.
Exemple : Au clair de la lune : 111232 13221, soit do do do ré mi ré do mi ré ré do.
L’avantage est la rapidité : on entend une mélodie, on peut immédiatement la saisir au vol. C’est l’équivalent de la sténo.
J’aimeJ’aime
merci pour cette remarque tout à fait intéressante!
J’aimeJ’aime