
En rencontrant des personnes aussi éminentes que Denise Koechlin, Bernadette Guéritte-Hess, Elly Rozinga, ou les petits enfants de Théa Bugnet, j’ai pu collecter ‘à la source’ de nombreuses informations pour approfondir et comprendre la richesse du travail de Théa Bugnet et sa mise à la portée des écoliers par Annie Boon à Bréda (Pays-Bas).
Il existe assez peu de littérature sur le Bon Départ, et dans ce « peu », beaucoup concerne la rééducation d’enfants porteurs de handicap. En Hollande, Annie Boon fut la première enseignante à adapter ces principes psychomoteur à sa classe, de nombreuses écoles lui emboiteront le pas. En France, seuls la rééducation s’est appropriée la méthode, jusqu’à la création du diplôme de rééducateur en psychomotricité. Ce diplôme fédèrera toutes les initiatives de l’époque dans le domaine de la motricité, dont le Bon Départ.
La revue « L’information psychologique » parue à Bruxelles en 1963, présente les travaux de différents praticiens du Bon Départ dans ces années-là :
- Arlette Bourcier – Mucchielli
- Bernadette Guéritte – Hess
- Roger Mucchielli
- Gisèle Vaux
- Albert Gothier
Ces deux derniers auteurs abordent le Bon Départ sous l’angle de le rééducation, donc ils nous concernent moins. Les premiers patients de Théa Bugnet lui furent confiés par le Dr Bergé et Mr Mauco. On est donc loin de l’école !
Arlette Bourcier-Mucchielli nous y apprend que Annie Boon, outre sa rencontre avec Théa Bugnet, avait suivi des cours de gymnastique avec Émile Jacque-Dalcroze et Rudolf Bode. Ce dernier parle de gymnastique holistique, une gymnastique qui faisait travailler le corps de manière globale. Annie Boon était donc préparée à cette rencontre de Théa Bugnet. Elle va intégrer cette méthode à l’enseignement de la lecture et de l’écriture. Elle découvre que « les gestes amples activent l’enfant, le fait vivre, le détend, le met en expansion ». « On fait d’abord le geste le plus grand possible, puis on passe à des gestes plus petits qui exigent contrôle et discipline ».
« Le Bon Départ est une méthode psycho-physiologique. C’est un jeu ordonné, réglé, gradué. Il comprend gymnastique, rythme, musique, exercices de mémoire auditive, visuelle, tactile. En agissant directement sur la psychomotricité, les postures, les attitudes, il entraine chez l’enfant une plus grande assurance, le sentiment d’une adéquation meilleure entre lui, le monde extérieur et autrui. »
Bernadette Guéritte présente ensuite le matériel, puis une analyse de trois graphiques du Bon Départ. Elle pointe la distinction entre le mouvement effectif et le mouvement graphiquement traduit, entre le geste continu et sa représentation discontinue, qui prépare à l’écriture. Le tracé de toute lettre suppose cette possibilité d’élision, exemple i. (Pour tracé le point, on fait le geste de lever le crayon puis tracer le point, or ce geste n’est pas tracé sur la feuille !)
Par exemple, pour le 1er graphique, le geste musculaire est composé d’élévation en extension (inspiration) puis abaissement sur l’expiration, et ralentissement du geste.
(Le dessin des figures est ici présenté au format créé par Théa Bugnet, corrigé après relecture avec Denise Koechlin,(1) et est donc plus juste que dans le Guide Pédagogique.(2)

Le graphisme et le chant qui y est associé permet une perception visuelle du rythme. Ce 1er graphique apporte une amélioration du contrôle moteur et permet l’apprentissage de la verticale.La verticale permet la prise de conscience de l’axe du corps, ainsi que l’exploration des champs gauche et droit, et de l’orientation.
L’amplitude du geste s’adapte en fonction du graphique et de la mesure.
Elle distingue différentes perceptions : perception auditive (fort-faible), puis perception musculaire (appuyé-léger), puis perception visuelle (grand-petit).
Pour le graphique 9, on trouve l’alternance d’une figure fermée et d’une figure ouverte. Les tracés horizontaux successifs ouvrent à la virtualité de la verticale. On retrouve ici aussi l’élision du mouvement. L’axe corporel est situé entre les deux figures.
Ce 2ème graphique permet une extension complète, une rotation totale de l’épaule, des adductions scapulo-humérales alternant avec des flexions-extensions du coude. Il exige la mémorisation du point de départ pour la fin du mouvement circulaire, une organisation de l’espace pour tracer les 4 étages avec égalité d’intervalles, le maintien du parallélisme entre les horizontales. Il demande tonicité, et attention pour passer d’un mouvement continu et retenu à un mouvement discontinu et accéléré.

Ces quelques observations présentées par Bernadette Guéritte-Hess sur ces deux figures du Bon Départ nous invitent à faire le même travail d’analyse pour chacun des graphiques proposés : chercher pour chacun d’eux ce qu’il apporte sur le plan moteur, musculaire, rythmique, réfléchir à ses composantes. Et surtout, s’entraîner soi-même devant un miroir pour une bonne exécution du geste. Les enfants reproduiront exactement ce que nous faisons ! Il faut donc s’entraîner à un geste ample, précis, souple. Dès que possible, je vous présenterai Annie Boon en vidéo, et tout deviendra lumineux !
(1) Denise Koechlin, psychologue et psychomotricienne, fut celle qui succéda à Théa Bugnet après son décès à l’Hôpital de la Salpétrière
(2) « Lire, écrire, chanter, guide pédagogique » Françoise Nicaise, Ed. Chronique Sociale, 2021