Denise KOECHLIN

Ma rencontre avec Denise Koechlin relève de l’improbable, de l’imprévisible, comme souvent les cadeaux de la vie. Elle avait appris par Arlette Mucchielli que j’avais reçu les archives françaises du Bon Départ, et me contacta pour savoir comment elles avaient bien pu atterrir chez moi…

Après une rapide explication, débutant par ma rencontre avec Elly Rozinga, qui fut la « cheville ouvrière » de cette donation, nous avons très longuement échangé sur ces archives, qui avaient été mises en carton par Denise Koechlin elle-même il y a plusieurs décennies et qu’elle croyait perdues à tout jamais. Le côté cocasse et anecdotique de ce transfert céda très vite le pas au contenu pédagogique et historique de ces archives.

Me voici donc en longues communications téléphoniques avec celle dont j’avais si souvent rencontré le nom dans mes recherches, et dont je n’avais jamais réussi à trouver les coordonnées, celle qui fut appelée par le Dr Favez-Boutonnier à succéder à Théa Bugnet à la Salpêtrière…

Après les échanges téléphoniques, une rencontre s’imposait.

Nous nous sommes donc longuement rencontrées chez elle. Elle garde intacte dans sa mémoire l’histoire de la psychomotricité en France, et la raconte avec précision. Ces instants passionnants m’ont fait croiser au cours de la conversation des noms comme Borel-Maisonny, Dolto, Ajuriaguerra, Soubiran, Favez-Boutonnier, Mucchielli,.. Une vraie leçon d’histoire, un pur moment de bonheur…

Qui sait par exemple que Madame Borel-Maisonny recommandait les exercices du ‘Bon Départ’ avant l’apprentissage de la lecture ?

Madame Favez-Boutonnier et Messieurs Mauco et Berge, tous trois psychanalystes ont créé le premier centre psychopédagogique à Paris. Leur objectif était de mettre la psychanalyse au service des enfants en difficultés, en particulier les difficultés scolaires, et ils ont demandé à Madame Bugnet, en raison de ses travaux, de se joindre à l’équipe.

Madame Koechlin me raconte comment vint d’abord l’idée de faire se rencontrer les différentes approches corporelles en ce temps de recherche et de création, de ‘recherche-action’ comme on dirait aujourd’hui : le rythme avec Madame Degh, à la Salpêtrière, le geste, la représentation corporelle avec Madame Orlic, le conditionnement avec le Dr Dublineau, la rythmothérapie à partir de la danse classique avec Madame Joly, de la musique avec Madame Vyl, mais avec une trop grande exigence de compétences musicales. Mademoiselle Ramain propose avec le Dr Jolivet une progression pour acquérir les gestes fins du travail. Denise Koechlin propose les exercices du Bon Départ.

Denise Koechlin et le Dr Morin Lormand organisèrent pendant 3 ans des formations ayant pour objectif de faire se rencontrer toutes ces personnes et faire connaitre leurs travaux. Les stagiaires devaient avoir au moins 5 ans d’ancienneté dans un poste : éducateurs, instituteurs, psychologues… Ces formations permettaient de montrer tout ce qui se faisait dans le domaine de la psychomotricité. L’objectif était que les stagiaires repartent avec une pratique enrichie de nouvelles approches.

Le Dr Millau, qui suivait ces travaux, souhaita créer un diplôme de psychomotricien. La formation commença à l’Hôpital Henri Rousselle. Il y aura 2 promotions (1959/60 et 1960/61), puis la formation aura lieu sur 2 ans à la Salpêtrière, sous la direction des Dr Duché et Masson. Le certificat de capacité en rééducation psychomotrice sera créé en 1963. (1)

Il est très intéressant de voir comment le Bon Départ a été mêlé aux débuts de la psychomotricité. Cette collaboration originelle montre le sérieux du « Bon Départ ».

Mais toutes ces approches étaient médicales. La conclusion qui s’impose est que le Bon Départ en France a été ‘accaparé’ par les médecins et les rééducateurs de toutes sortes de difficultés ou handicaps. Où est la transmission à l’enseignant ? Quelles propositions pour l’enfant scolarisé et commençant ses premiers apprentissages de chant, de motricité, de lecture et d’écriture, en écho de ce qui se passait à Bréda et dans de nombreuses écoles hollandaises ?

Annie Boon à Bréda, dans sa classe, proposait avec le succès que l’on connait le Bon Départ à ses petits élèves. Les films d’archives du Bon Départ nous montrent Annie Boon faisant chanter, gestuer, écrire les enfants. C’est bien cette approche-là qui nous concerne à « La Boîte à Lettres », c’est celle que nous vous proposons tout au long du blog et que vous trouvez dans le Guide Pédagogique « Lire, écrire, chanter ». Il s’agit d’un véritable trésor pour l’école et les écoliers, je vous souhaite de le découvrir !

(1) Actuellement, la formation se fait sur 3 ans.